Auteur/autrice : Sylvain Genel

Ismaël Jamaleddine, directeur de La Condition Publique Itinéraire d’un faiseur de lieux

Un parcours en mouvement, celui d’Ismaël Jamaleddine. Né en banlieue parisienne, il débute son chemin dans des squats. Il se développe ensuite au sein d’une compagnie vocale et instrumentale. Aujourd’hui, il trouve un nouveau souffle à La Condition Publique, un lieu hybride et sans frontières, situé au cœur du quartier du Pile à Roubaix. Depuis sa prise de fonction en septembre 2024, il impulse une dynamique renouvelée à ce lieu unique, porteur d’une vision ambitieuse et résolument ouverte. « J’ai toujours été obsédé par les lieux. Les lieux vides, à réinvestir et à partager. » Dans sa voix, résonne une énergie et une soif de créer. C’est celle d’un homme qui n’a jamais cessé de croire en la puissance collective de l’action. Un faiseur, pas un rêveur. Ismaël Jamaleddine a grandi « serré » dans des appartements ou des maisons étroites entre le Val d’Oise et les Hauts-de-Seine. Il développe un appétit féroce pour l’espace et une conscience militante très tôt ancrée. À l’université, il choisit le droit, presque par stratégie, tout en nourrissant sa passion pour la musique. Un équilibre subtil entre la tête et les mains, qu’il explore pleinement quand, avec des camarades, ils obtiennent un deal improbable : un propriétaire privé leur cède temporairement une usine vide. Ce sera trois ans de vie collective et de création brute, à fabriquer des chambres, un bar, une salle d’escalade, une salle de concert, un studio son… « On faisait tout nous-mêmes. On s’est rendu compte que tout était possible. » Ce sens de l’organisation, du collectif, et cette capacité à fédérer le mènent quelques années plus tard à l’administration de l’orchestre La Tempête. Il y passera dix ans. « On est partis d’une petite association pour devenir une compagnie reconnue, qui tourne partout en Europe. » Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Parce qu’à côté des concerts et des dossiers de subventions, l’obsession des lieux vacants ne le quitte pas. Et un jour, une discussion autour d’un bâtiment oublié au cœur d’Argenteuil attire son oreille. Ancien musée de la ville, fermé depuis une décennie, le lieu devient le terrain d’une nouvelle aventure collective : le Musée Sauvage. Réunions ouvertes, intelligence collective, chantiers en auto-réhabilitation… En deux ans, le bâtiment reprend vie grâce à un collectif d’habitants, d’artistes et d’associations. « On a remis un lieu au service des gens, sans attendre des millions, juste en faisant. On a prouvé que c’était possible. » Aujourd’hui, c’est à Roubaix, à La Condition Publique, qu’Ismaël pose ses valises et son énergie. « Je connaissais la CP depuis longtemps. C’est un lieu qui m’a toujours fasciné par son esprit pirate, utopiste, et sa place centrale dans les dynamiques locales. » À la tête de cet établissement public de coopération culturelle (EPIC), son objectif est clair : ouvrir grand les portes. « Beaucoup s’autocensurent. Ils voient un lieu culturel, ils pensent art contemporain, ils se disent que ce n’est pas pour eux. On veut casser cette image. » Avec la fabrique (le fablab, l’atelier menuiserie, les ateliers créatifs), il mise sur l’émancipation par le Faire.  « Je veux qu’on soit un service public de la création. Que chacun comprenne que ce lieu, c’est aussi le sien. » Ce parcours est aussi celui d’un trait d’union entre deux territoires : la banlieue parisienne et le Nord. « Argenteuil et Roubaix se ressemblent. Ce sont des villes populaires, riches en ressources humaines et artistiques. Mais à Roubaix, j’ai vraiment pris une claque culturelle. » La Condition Publiquelaconditionpublique.com14 place du Général Faidherbe, 59100 Roubaix  

Broder pour ne pas oublier

Nebuleuz brode. Chez elle, le fil est un cri, un poing levé. Artiste plasticienne née à Roubaix, elle baigne dès son enfance dans un univers façonné par le travail manuel : une mère couturière, un père peintre en bâtiment. Le geste est quotidien, instinctif. Alors elle brode. Pas par passion, par nécessité pour dire ce qui ne peut rester silencieux. « Je déteste ça. C’est long, frustrant… mais c’est aussi là que je reprends le contrôle du temps. » Nebuleuz brode sur des photographies, elle y mêle la peinture. Une esthétique polymorphe pour une pensée en étoiles. C’est d’ailleurs tout le sens de son pseudo choisi à ses 15 ans. Elle refuse les cases, les techniques figées. Elle explore, bifurque, expérimente. Toujours en friction. La répétition l’ennuie, l’erreur la nourrit. « Je n’ai aucun code. Si j’avais des procédés plus ancrés, j’irais plus vite. Mais j’ai besoin d’apprendre par la difficulté. Mon travail artistique réside autant dans la production que dans le processus de recherche pour y parvenir. Chercher parfois longtemps. Et chercher seule. » « Si je devais définir mon travail, ce serait celui de quelqu’un qui n’a pas le choix. Je crée avec ce qui m’entoure, avec les médiums et les sujets qui s’imposent à moi. » Ses œuvres parlent d’invisibles : des femmes puissantes qu’on a rayées des récits, des quartiers effacés sous la gentrification. Elle travaille à partir de ce qui dérange. Et elle le montre, frontalement. Avec humour souvent. Avec rage parfois. Toujours avec sincérité. Son art est politique, mais aussi intime. Militant, mais aussi égoïste. Elle le dit sans détour : « C’est aussi un acte narcissique. » Un moyen de panser, de dire, de résister. Et surtout, de rendre visible. « Ce que je montre, c’est ce que j’aurais voulu voir. Dans les musées. Dans la rue. Dans les livres d’histoire. » Dans la rue, elle colle ses œuvres à hauteur de regard. Loin des galeries élitistes. « L’art doit descendre en bas des tours, circuler librement, casser les codes », dit-elle. Elle salue les associations comme Arts et Développement, qui montent des ateliers au pied des immeubles. Pour elle, la culture ne doit jamais être un délit d’initié. Avant d’entamer son travail artistique, Nebuleuz a eu mille vies professionnelles : elle a occupé divers rôles à la croisée des ressources humaines, de l’engagement public et de l’économie sociale et solidaire. Puis un événement personnel survient. Un coup d’arrêt. Le besoin de ralentir. De faire. À l’aube de la quarantaine, elle se tourne vers ses mains pour retrouver du sens dans cette vie à cent à l’heure.  Aujourd’hui, elle crée, mais refuse d’en vivre. Pas question de plier son art aux lois du marché. Garder sa liberté, coûte que coûte. Nebuleuz

Roubaix, sur le toit du rap

Quand on parle hip-hop, on pense souvent à Marseille, Paris ou même Bruxelles, véritables capitales du mouvement en France. Mais en parallèle de ce triangle d’or, Roubaix s’impose comme un point de départ de carrières à succès. Comment expliquer que la ville aux mille cheminées soit aussi celle aux mille possibilités ? Pour le savoir, nous sommes allés à la rencontre de deux artistes qui œuvrent à mettre leur ville sur la carte du rap. Les Roubaisiens qui ouvrent la voie Roubaix n’en est pas à son coup d’essai. Depuis plusieurs années, le nom de la ville résonne dans les textes de rappeurs de premier plan, qui revendiquent fièrement leurs racines. On pense à Gradur, sans doute le plus emblématique, disque d’or en seulement trois jours avec son album L’Homme au bob. À ZKR, dont les clips réunissent des millions de vues. Ou encore à Bekar, qui s’apprête à remplir le Zénith de Lille en octobre 2025. Pour mieux comprendre l’effervescence actuelle, nous avons rencontré deux figures locales : Dalibido, rappeur indépendant, et Heaven Sam, producteur et directeur artistique. Tous deux incarnent une génération qui croit au potentiel de la ville et à sa capacité à faire émerger des talents. « Roubaix, c’est synonyme de fierté » Dalibido est un véritable porte-étendard de l’identité roubaisienne, « Roubaix, ça peut devenir la capitale de la culture« , lance-t-il. Pour lui, le rap roubaisien est bien plus qu’un courant local : « Sans Roubaix, tu ne vas pas écouter le petit gars de Douai. Roubaix peut être le porte-drapeau de toute la région. » En évoquant sa ville, il est rempli d’espoir et de détermination. Pour lui, rien n’arrête les artistes roubaisiens, bien décidés à aller au bout de leurs projets. Ancré dans la réalité de sa ville, Dalibido insiste sur l’importance de porter haut les couleurs de Roubaix malgré les clichés, « On est fiers. Déjà parce qu’on nous confronte à notre identité de Roubaisiens. On est obligés de bomber le torse« , dit-il. Créer, transmettre, inspirer De son côté, Heaven Sam revendique un parcours hybride. Producteur, compositeur, performeur… Il compose pour des artistes, des films, des publicités, tout en montant sur scène lors de festivals. « Roubaix, pour moi, c’est une richesse. J’ai puisé beaucoup de mes inspirations ici. Mes rencontres, mes erreurs, mes exploits. » Loin de se contenter de son propre succès, il reste investi localement. « Je continue de collaborer à des projets locaux, comme le festival URBX dont je suis le parrain. » Il insiste sur une chose : transmettre. « Ce qui me motive, c’est de donner la possibilité aux autres de croire que tout est possible. Il y a des opportunités à Roubaix, et c’est important de les montrer. » Lorsqu’on lui parle des figures comme Gradur ou Bekar, Heaven Sam répond avec fierté. « C’est devenu des exemples. C’est à nous de faire perdurer cet héritage-là. Quand je dis que je viens de la même ville qu’eux, les gens captent tout de suite. » Une scène en mouvement Les deux artistes évoquent une ville en transformation, où la culture urbaine s’infiltre dans les rues, les studios, les clubs. Heaven Sam le dit clairement : « Roubaix, c’est une pépinière de talents. Il y a des choses très prometteuses. On dit souvent que c’est le nouveau New York, ici. » Il fait le lien entre scène locale et scène nationale, et voit dans les jeunes artistes d’aujourd’hui les voix de demain. Dalibido, lui, n’a pas l’intention d’attendre une validation extérieure : « Roubaix est en train de prendre une vraie place. Nos talents mangent une part du marché. On est atypiques, mais justement, c’est une force.«  Dalibido Heaven Sam

L’Oiseau-Mouche en quatre actes

L’oiseau-mouche – ou colibri – est un oiseau fascinant : plus petit volatile au monde, il bat des ailes jusqu’à cent fois par seconde – et c’est le seul capable de voler en arrière. Un symbole tout trouvé pour incarner un projet singulier, qui à la manière de son totem, avance avec agilité, audace et détermination. À Roubaix, l’Oiseau-Mouche ne cesse de se réinventer, en cultivant une approche artistique, sociale et profondément humaine. 1/ La compagnie de théâtre On connaît d’abord l’Oiseau-Mouche pour sa troupe unique en France, fondée en 1978, composée de vingt comédiens en situation de handicap. Pionnière du genre, cette compagnie permanente – à l’image de la Comédie-Française – est conventionnée par le Ministère de la Culture depuis 2013. Théâtre, danse, marionnettes, approches pluridisciplinaires : avec 58 créations et plus de 2 000 représentations en France et à l’international, elle explore autant d’esthétiques que d’artistes invités à la mise en scène. 2/ Le théâtre Le QG ? Un théâtre en plein cœur de Roubaix, labélisé Atelier de Fabrique Artistique depuis 2022. Équipé de deux salles de représentation, de studios et d’appartements, il accueille plus de 35 équipes artistiques chaque saison en résidence, représentation ou workshop. Sa programmation pluridisciplinaire est pensée main dans la main avec d’autres acteurs phares de la scène culturelle de la métropole lilloise : Le Gymnase CDCN, La rose des vents, NEXT Festival, Latitudes Contemporaines, le Centre Chorégraphique du Nord, le Théâtre Massenet… Ici, la mutualisation est au cœur du projet. Résidences croisées, logistique partagée, réflexions communes : un modèle collectif et résilient, en phase avec les défis contemporains. 3/ Le restaurant Juste à côté, Le Colibri est bien plus qu’une cantine d’artistes. Ce restaurant bistronomique, rénové en 2023, propose une cuisine maison, locale et créative. En salle comme en cuisine, une équipe professionnelle en situation de handicap assure un service chaleureux, sous la houlette des chefs Antoine Butez et Olivia Provoyeur. Ouvert le midi en semaine et les soirs de représentation, Le Colibri peut être privatisé pour des événements. L’Oiseau-Mouche propose aussi des espaces à la location et des journées team-building avec visites, rencontres ou ateliers autour de la voix, du corps ou de la cohésion de groupe 4/ Le service traiteur Dernière pousse de cette maison en mouvement : le Nectar, service traiteur haut de gamme lancé en 2023. Élaborés à partir de produits frais dans les cuisines du Colibri, ses buffets et cocktails sont pensés pour les entreprises, collectivités ou associations. « Nous sommes en train d’aménager un local à Roubaix pour cette nouvelle activité et nous espérons y emménager pour fin 2025 », confie Léonor Baudouin, directrice de l’Oiseau-Mouche. Une offre sur-mesure, inclusive et savoureuse – fidèle à l’essence du projet. L’Oiseau-Moucheoiseau-mouche.fr28 avenue des Nations Unies,59100 Roubaix

Dans les coulisses d’un tournage à Roubaix avec Alice Majka

Loin des studios parisiens, c’est à Roubaix que de plus en plus de réalisateurs viennent planter leur caméra. Ville brute, vibrante et chargée d’histoire, Roubaix s’affirme comme un terrain de jeu cinématographique. Avec ses briques rouges, son héritage industriel, ses lieux réhabilités et ses rues pleines de caractère, Roubaix coche toutes les cases pour séduire les cinéastes en quête d’authenticité. Chaque année, la ville accueille des tournages prestigieux. Parmi eux : L’Amour Ouf de Gilles Lellouche, Six pieds sur Terre de Karim Bensalah, Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, sans oublier les séries à succès HPI, Les Papillons Noirs, Les Petits Meurtres d’Agatha Christie ou encore Stalk… En 2024, Roubaix a atteint un record : 155 jours de tournage pour 37 projets, et 2,5 millions d’euros de retombées économiques. Membre du réseau Film Friendly de Pictanovo, Roubaix mise sur un accueil sur-mesure. Alice Majka, chargée de mission rayonnement audiovisuel à la Ville, est l’interlocutrice incontournable des équipes de tournage, la cheville ouvrière qui fait le lien entre les exigences artistiques et les réalités du terrain. Entre autorisations, coordination technique, sécurité et logistique, elle orchestre chaque étape, du premier repérage au dernier clap. Une mission à la fois artistique, stratégique, logistique… et profondément humaine. Suivons-la dans les coulisses. Tout commence par le dépouillement du scénario. À partir des décors recherchés – friche, bistrot rétro, appartement typé, marché animé… – Alice travaille main dans la main avec les repéreurs pour dresser une sélection de lieux roubaisiens. L’objectif : coller à la vision du réalisateur, tout en proposant des alternatives parfois inattendues. Car Roubaix, c’est aussi une mine de pépites cachées. Le Couvent des Clarisses, avec sa sérénité monastique, attire les fictions intimistes ou les scènes de tension contenue. Le restaurant L’Impératrice Eugénie, avec son charme suranné, offre un cadre feutré idéal pour les atmosphères d’époque. L’ancienne Banque de France, avec ses volumes d’origine et son cachet institutionnel, inspire les thrillers comme les drames historiques. Vient ensuite le repérage avec le réalisateur, puis le repérage technique avec l’équipe (décors, régie, production…). Là, on entre dans le concret : loges, circulation, stationnement, branchements… Alice coordonne les services de la Ville pour que tout s’articule harmonieusement, en préservant au maximum la vie locale. Pendant le tournage, elle reste disponible, mobile, réactive. Une urgence logistique ? Un accès à sécuriser ? Une solution à trouver dans l’heure ? Alice est là, en coulisses, pour que tout se passe bien jusqu’au clap final. Alice Majka Chargée de mission rayonnement audiovisuel03 59 57 32 24amajka@ville-roubaix.fr

Ce qui se passe à l’intérieur…

Rien ne laisse présager ce qui s’est développé derrière le porche bleu situé au 12 rue du Bois à Roubaix. Un regroupement d’architectes a transformé cet espace inoccupé jusqu’en 2005, en un lieu surprenant qui garde les stigmates du passé tout en lui amenant une transformation épurée contemporaine Deux parties indépendantes cohabitent depuis 20 ans, séparées par une grande cour intérieure. D’un côté, Bertrand et Nicole Wibaux ont transformé leur ex-cabinet d’architecture en habitation privée. En arrière bâtiment, Guillaume Da Silva et Théo Vynckier, architectes d’intérieur partagent un immense plateau décloisonné très inspirant. Guillaume Da Silva, affirmer une certaine différence Ici, on ne forme pas seulement des techniciens. On forme des artistes. Des esprits critiques. Des passionnés du détail qui savent que tout part de l’observation. Théâtre, peinture, architecture, photographie… Tout est bon pour aiguiser le regard, pour comprendre comment une lumière caresse un visage ou comment un mouvement trahit une émotion. « Je leur dis souvent : il faut que vous ayez un cerveau de 40 ans, alors que vous en avez 20. », lance Carlos de Carvalho, directeur de la filière animation 2D / 3D. Son rôle ? Pas celui d’un prof qui dicte, mais d’un accompagnateur qui pousse ses étudiants à faire mieux. À aller plus loin. À fouiller dans leurs souvenirs, leurs douleurs, leurs joies, leurs combats. À se demander : pourquoi ce sujet ? Pourquoi maintenant ? Et comment le raconter différemment ? Car ici, tout se fabrique de A à Z. De la musique au montage, du décor à l’émotion. Et tout doit faire sens. Théo Vynckier, prolonger l’histoire avec une vision rock Fils de Jean-Marc Vynckier, copropriétaire du lieu avec Guillaume Da Silva depuis 2005, Théo s’inscrit dans la continuité et la relève. Pas la même génération, ni la même sensibilité et encore moins le même caractère que son prédécesseur. Théo est un novateur qui entend bien marquer cet espace de son empreinte. Il y a travaillé aux côtés de son père pendant 4 ans avant de se mettre à son compte. « Je connais cette ville depuis toujours. J’ai habité boulevard du Général de Gaulle pendant des années puis j’ai rejoint mon père rue d’Isly. Tous les matins, je prends mon petit déjeuner chez Paul au niveau du parc Barbieux avec des habitués roubaisiens. » Musicien et batteur rock métal du groupe belge MINGAWASH, Théo amène une nouvelle énergie doublée d’une vision artistique.  aproposdelieu.com Bertrand et Nicole Wibaux, garder un pied dans la dynamique arty En 2018, année où le couple cesse une longue activité de cabinet d’architecture, la question du devenir des locaux professionnels se pose. « On adorait ce lieu acquis en 2005. Et comme on a une brique dans le ventre, l’idée de transformer les bureaux en habitat nous ouvrait la possibilité de nous lancer un défi et de nous faire plaisir. » Actifs dans la vie roubaisienne depuis leur première installation boulevard du Général de Gaulle en 1995, ils s’intègrent au tourbillon culturel de l’époque. « Si tu avais l’envie de monter un projet, tu trouvais toujours l’association qui en serait porteuse. » Nicole rejoint Art-Action dont l’objectif était de faire du bruit pour faire parler du patrimoine remarquable de la ville. Puis intègre Le Fil Rouge, galerie d’art roubaisienne spécialisée dans la céramique contemporaine. Bertrand et Nicole s’amusent par ailleurs toujours avec autant de plaisir à embarquer des amis d’ailleurs dans La Nuit des Arts pour leur faire vivre Roubaix de façon décalée.  

Construire l’e-sport autrement

L’e-sport fait partie du paysage culturel. S’il brille souvent à travers les grandes compétitions internationales, une autre réalité prend forme : celle d’une discipline empreinte de résilience, riche en potentiel et animée d’une grande vitalité. Telles sont les valeurs de la structure roubaisienne RPV e-sport. Fondée par Dimitri Jean-Baptiste, elle repose sur une idée simple : offrir un cadre sain et formateur à celles et ceux qui souhaitent s’investir dans l’e-sport, sans forcément viser le très haut niveau. Dimitri découvre l’e-sport sur la franchise Rainbow Six Siege, où il progresse vite. Mais en rejoignant différentes équipes, il réalise que le manque d’encadrement nuit souvent à l’évolution des joueurs. Certains arrêtent, découragés. « J’ai commencé à jouer dans des mixtes où je ne connaissais ni les joueurs, ni la structure qui m’encadrait. Je me suis rendu compte, au fil de mes expériences, de ce qui n’allait pas. J’ai vu des joueurs talentueux arrêter à cause d’un mauvais management. J’ai voulu construire quelque chose à mon image, en accord avec mes valeurs, qui me permettrait de développer des talents, de les accompagner, pourquoi pas jusqu’au sommet. » C’est ainsi que naît RPV. Ici, les joueurs sont accompagnés, écoutés, encouragés. Roubaix, un terreau favorable Originaire de la région parisienne, Dimitri choisit Roubaix pour lancer RPV. Il y découvre un environnement propice. « J’y ai trouvé beaucoup plus d’opportunités et de mains tendues. Loin des clichés qu’on peut voir un peu partout. » Cette énergie locale correspond parfaitement à l’esprit de la structure, qui valorise l’entraide, le travail collectif et l’ancrage territorial. Car pour Dimitri, comme pour beaucoup de passionnés, l’e-sport ne se limite pas à la compétition. C’est aussi une quête identitaire. Un maillot, un écusson qui rassemble autour d’une vision commune. Cette énergie se retrouve dans son staff, notamment du côté de la communication. Manon, par exemple, a rejoint l’aventure par curiosité. En quelques semaines, elle a bâti toute la stratégie de communication de la structure. Chez RPV, le dépassement de soi est central. Vers un E-Sport plus accessible « On a une équipe académique, avec de jeunes joueurs très talentueux mais qui ne sont pas encore mûrs pour la compétition. Ils ont besoin d’un cadre pour évoluer. On croit en eux. » Ce modèle va dans le sens des récentes évolutions du secteur. Riot Games, par exemple, propose désormais des formats de tournois plus ouverts sur League of Legend, Valorant et Teamfight Tatical, afin de permettre à tous de tenter leur chance. RPV eSport s’inscrit dans cette nouvelle génération de structures plus inclusives, plus humaines, plus proches du terrain. C’est ici, à Roubaix, que l’e-sport invente l’un de ses futurs possibles. RPV ESPORT

Artimuse : Sculpteurs de cagettes

Artimuse, c’est l’histoire de deux trentenaires créatifs et passionnés, Méli Juestz et Simon Durand. Complices depuis leurs études aux Beaux-Arts en Belgique, ils fondent leur collectif en 2018. Tout démarre lors des Journées Européennes des Métiers d’Art : face à un budget serré, ils construisent un stand en cagettes. Le public accroche, le matériau séduit. L’idée germe : et si ce résidu oublié devenait terrain d’expérimentation artistique ? Décryptage d’une aventure collective. « Objet banal pour beaucoup, la cagette est, pour nous, matière à création. Nous arrivons à la transformer de manière à ne plus la reconnaître et à lui donner des formes en tous genres. » Éphémère, mais vivante La cagette, c’est comme un clin d’œil au temps qui passe. À l’intérieur, elle résiste aux variations d’humidité et de température, sans faillir. À l’extérieur, elle se dégrade, se patine, change de couleur avec le temps. Les sculptures d’Artimuse, vivantes et éphémères, occupent l’espace pendant trois à cinq ans avant de s’effacer. Monumentale et organique Avec leur aspect modulaire, léger, facilement assemblable, les cagettes permettent d’imaginer des œuvres d’envergure. En ville comme à la campagne, elles deviennent arches, totems, structures immersives. Artimuse s’inspire de l’artiste brésilien Henrique Oliveira et de ses installations organiques en écorces de bois. Leurs pièces, elles aussi, interpellent : elles signalent qu’un lieu bouge, qu’un projet pousse. Collective et joyeuse Pas question de créer dans son coin. Méli et Simon embarquent les habitants dans la construction. Chacune de leurs œuvres est une expérience à plusieurs mains, où la cagette devient prétexte à la rencontre. « On part du principe que tout le monde a de l’or dans les mains« , rappellent-ils. Chaque projet est aussi l’occasion d’une immersion dans un quartier, une ville, un territoire. Engagée et circulaire Artimuse, c’est aussi une démarche profondément éco-responsable. Plutôt que de produire, les artistes récupèrent. Les cagettes sont glanées dans les circuits courts, grâce à des partenaires comme El Cagette à Roubaix ou Les Jardins de Cocagne à Villeneuve d’Ascq. L’art comme outil de revalorisation, à transmettre, surtout aux jeunes. « Parler de réemploi, c’est essentiel aujourd’hui.«  Accessible, forcément Artimuse s’engage à rendre l’art accessible à tous. Ateliers participatifs, co-construction, rencontres : ils multiplient les formats pour désacraliser la création. Ancré à Roubaix, le collectif puise dans cette ville vivante, populaire et inventive, un terreau fertile pour faire fleurir la culture autrement. Artimuse

Immersion dans un cours de boxe française avec Sabrina Maroufi

18h05. Roubaix. 48 rue Nabuchodonosor. Un nom de rue difficile à retenir pour un lieu peu visible. Dehors, le décor est brut : un parking silencieux, bordé de friches et de bâtiments fatigués. Rien ne laisse présager ce qui m’attend à l’intérieur. Je pousse la porte de cette salle discrète, une bulle coupée du reste du monde. Elles sont là. Leur énergie emplit chaque recoin.   Direction le vestiaire. J’enfile la tenue de combat. On commence l’échauffement. Un cercle se forme. On court, on sautille, on chauffe les corps et les esprits. Sabrina Maroufi prend les commandes. Son regard accroche, ses mots claquent. Sa voix donne le tempo. Posture de base : pieds ancrés, genoux souples, mains en rempart devant le visage, poings fermés, coudes verrouillés contre les côtes. Chaque détail compte. Mes bras hésitent, mes gestes tâtonnent, mon corps cherche ses marques. Sabrina sourit et me glisse : « C’est normal, c’est le début. » Elle corrige, encourage et pousse, toujours dans la bienveillance. Chez Sabrina, la boxe va bien au-delà du ring. Lors d’un exercice, je me retrouve face à elle. J’enfile les gants qu’elle me tend. J’envoie un direct : elle esquive. Un crochet du droit : elle sourit et esquive. À chaque mouvement, je comprends un peu mieux ce que la boxe peut transmettre. À chaque souffle, je m’ancre un peu plus dans le sol. Ici, pas de compétition mais du soutien.  Sabrina Maroufi, c’est une figure locale, une boxeuse au parcours inspirant. Championne de France en savate et en boxe anglaise, cette fille de boxeur a dû se battre pour s’imposer dans ce sport longtemps réservé aux hommes. Petite, elle s’entraînait dans l’ombre. Aujourd’hui, elle partage sa passion avec les femmes, épaulée par sa sœur Sefora. Ensemble, elles ont fondé ces ateliers 100 % féminins, mêlant pratique sportive et accompagnement personnel. Plus qu’un entraînement, c’est un espace de reconstruction pour certaines marquées par des violences ou des traumatismes. La boxe devient un outil de libération et une histoire de sororité. Le cours s’achève. On range les gants, on souffle, on débriefe. Avant de partir, Sabrina remercie le club AFC MMA de Roubaix, qui lui ouvre ses portes chaque semaine. Mardi 18h15 et mercredi 18h30 : des rendez-vous devenus incontournables pour quatre-vingt-dix femmes. Ici, elles apprennent à boxer mais surtout à se tenir droites. En 1998, Sabrina a fondé le club Punch Boxe Française Savate Tourquennois (PBFST). Après plusieurs années de passion partagée, elle se tourne désormais vers Roubaix, avec de nouveaux projets en tête. Smaroufi Boxe Smaroufi Boxe

Le Vélo Club trace sa route

Cyril Saugrain est arrivé au Vélo Club en tant que manager général. Il va succéder à Daniel Verbrackel, figure du club. Ancien coureur professionnel, Cyril a un objectif en tête : accompagner l’équipe Van Rysel vers le niveau pro. Une carrière bien gérée Cyril est passé pro en 1995, sous les couleurs de Auber 93 Peugeot, aussi appelé « Les P’tits gars d’Auber ». Il gagne une étape du Tour de France en 1996. Cette victoire lui ouvre de nouvelles perspectives et il signe avec Cofidis en 1997 puis à la Française des jeux avant de terminer sa carrière de 2001 à 2003 dans son équipe d’origine devenue Bigmat Auber. Une reconversion réussie « J’adorais le vélo, mais le métier de cycliste, c’est difficile car on est souvent seul à l’entraînement. » Une clavicule cassée met fin à sa carrière en 2003. Il est accompagné dans sa reconversion par l’Union nationale des Cyclistes Professionnels. Neuf mois plus tard, il est diplômé du Centre National Professionnel des Commerces du Sport. Il entre chez Décathlon, d’abord en tant que chef de rayon cyclisme, tant qu’à faire ! Il gravit les échelons au sein du groupe pour arriver à B’TWIN Village dès son ouverture à Lille en 2010 en tant que directeur. En 2019, il sera responsable communication de la marque Van Rysel, la marque vélo performance de Décathlon. Une arrivée logique au Vélo-Club Le vélo, Décathlon, Van Rysel, le Vélo-Club, le parcours de Cyril est cohérent et assez logique. Il met toutes ses compétences au service de ses différentes expériences. « J’aime l’idée de construire une équipe, prendre du plaisir à faire les choses et m’entourer de ceux qui savent faire. » Les projets dans le viseur Le club accueille déjà des jeunes au sein de son école mais souhaite lancer une académie du vélo avec des cadets, qui seraient accompagnés vers le vélo haut niveau. L’occasion de renouer avec le lycée Van der Meersch tout proche, juste en face du STAB. Cette académie permettrait de dénicher des « pépites » et leur donner les moyens de participer aux courses les plus prestigieuses du circuit. À terme, il aimerait conduire l’équipe au plus haut niveau et ainsi aligner des coureurs sur la ligne de départ de Paris-Roubaix. Le rêve ultime serait bien entendu de voir un vainqueur parmi ses petits poulains. Un maillot qui rayonne Le nouveau maillot de l’équipe Van Rysel fait un clin d’oeil à l’écrin de la Ville, le musée La Piscine. Au dos du maillot, l’emblématique vitrail s’impose. Les rayons du soleil évoquent les rayons d’un vélo et l’image interpelle. Quand le sport et la culture s’emmêlent, on aime ! Une terrasse pour le Van Rysel café Elle a ouvert pour la reine des classiques et a vocation à accueillir tous les visiteurs, amateurs de vélo ou simples promeneurs. Un endroit que Cyril souhaite convivial, avec à coté une boutique ouverte aux artisans locaux qui pourront proposer des créations autour du vélo. Un hôtel pour faire du vélo-tourisme Le Vélo-Club fêtera ses 60 ans en 2026. L’ouverture d’un hôtel à proximité pourrait être un très beau cadeau. Un lieu qui tournerait autour du vélo, dans sa décoration et l’accueil de ses visiteurs. Proche du STAB pour y réaliser des baptêmes, départ d’une randonnée cyclo vers un autre site de la région, cet hôtel rencontrerait à coup sûr sa clientèle. Un étage pour organiser des séminaires Cyril nous fait visiter l’étage du Vélo Club, aujourd’hui très peu exploité, principalement pour le stockage des vélos et des tenues. Il aimerait transformer la grande salle très lumineuse avec vue sur le vélodrome historique pour en faire un endroit à séminaire. Accueil des entreprises autour d’un petit-déjeuner le matin, séances de travail jusqu’à 16h puis visite des vélodromes, des douches de Paris-Roubaix… Vélo Club Roubaix Lille Métropolevelo-club-roubaix.fr39 rue Alexandre Fleming,59100 Roubaix