Djamel Cherigui, ses nuits sont plus belles que ses jours

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Illustration : Lucie Massart

On a déjà tout dit sur Djamel Cherigui, l’épicier qui vit un conte de fée après la publication de son premier roman. Vraiment ? Et si on s’intéressait à ses journées, et ses nuits, bien remplies et bien structurées. Vingt-quatre heures dans la vie d’un jeune homme qui ne se dit pas encore écrivain, mais qui travaille sur son deuxième roman.

Djamel Cherigui a gardé les pieds dans son épicerie. Il est resté le même, avec le même sourire flegmatique et ce petit côté nonchalant. Le succès qu’il connaît depuis la sortie en mars de son premier roman « La Sainte touche » ne l’a pas transformé. « J’ai connu ça tard, à 35 ans. » précise-t-il. Son emploi du temps et le rythme de ses journées sont quasi immuables.

vers 13/14h « Je me lève. Je me prépare rapidement pour rejoindre mon épicerie Le parvis au Nouveau Roubaix. » Avec toujours cette question : quel livre va-t-il emporter dans son sac ? Il lit trois ou quatre livres en même temps. En ce moment, il relit « Au plaisir de Dieu » de Jean d’Ormesson, pour son prochain roman. Il n’en dira pas plus, juste qu’il reste dans le même univers et qu’il espère le sortir en janvier 2023. Entre deux clients, Djamel plonge le nez dans ses livres. La lecture, un plaisir qu’il qualifie d’addiction. « J’ai besoin de ma dose quotidienne. »

A 18h, il baisse le rideau de l’épicerie – « J’ai gardé les horaires Covid et je verrai si je repousse la fermeture à 23h comme avant » – et rejoint des amis chez le pâtissier roubaisien Patrick Hermand.

A 19h10, c’est précis, Djamel entame sa séance de sport quotidienne. « Et ensuite je sors dîner. Je n’ai pas de frigo ni de four chez moi, je n’aime pas particulièrement cuisiner. » Ses endroits de prédilection : le Métropolitain du côté de la gare de Roubaix ou à la brasserie André à Lille.

La nuit, c’est le meilleur moment de la journée. Je lis jusque 6h environ.

De retour chez lui vers 23h, « c’est le début de la soirée » s’amuse-t-il. « Hors de question de regarder un film, ma seule façon de m’évader c’est la lecture« . Il commence par un ouvrage complexe, « Charles Péguy par exemple » ou de la philosophie, au hasard Nietzsche. Et là, il est le plus heureux des hommes, dans le silence de la nuit. A trois heures du matin, changement d’ambiance. Djamel poursuit sa lecture par un roman plus léger : Charles Bukowski, Nicolas Rey, Emmanuel Carrère ou Chris Kraus font partie de ses auteurs favoris. « C’est le meilleur moment de la journée. Je lis jusque 6h environ. » Et il finit par s’endormir comme un bébé. Et le lendemain vers 13h il se réveille et recommence.

La master class de Djamel Cherigui

L’angoisse de la page blanche ? « Je peux buter au début. En tout cas, l’exercice d’écriture est super laborieux chez moi » annonce d’emblée le jeune écrivain. D’ailleurs il ne se qualifie pas ainsi. « Je suis épicier, moi. Je suis un épicier qui écrit si vous préférez. Je pense qu’on est écrivain à partir du moment où on reçoit le prix Goncourt. »

Une méthode ? « Pas vraiment mais j’écris beaucoup de choses sur des post-its étalés un peu partout chez moi. Des phrases, des idées, des fulgurances, des choses que j’entends. »

L’importance de la première phrase ? « Evidemment que c’est important. Je n’ai jamais changé la première phrase du roman mais j’ai mis deux semaines à la construire. »

Un écueil à éviter ? « Ah oui ! Surtout ne pas utiliser les adjectifs en trop grand nombre ! » Et de citer Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément« .

Le style Cherigui ? « C’est une question de rythme. J’ai su me corriger pour trouver mon style. Un style direct mais recherché. »
Il concède facilement qu’il est « assez pitoyable en orthographe« . « La lecture ça étoffe le vocabulaire, mais ça n’améliore pas l’orthographe« , selon lui.

La notoriété soudaine ? « Je suis assez mal à l’aise avec le succès et la notoriété. Je suis juste content quand on me dit que je procure du plaisir aux gens. » conclut-il, modeste et posé. Toujours souriant en tout cas, et déjà entrain de penser au deuxième roman.
« On me donne l’occasion de faire mieux et je saisis ma chance. »