Zerm et les chevaliers du re-use

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Le petit bureau de la rue de Babylone, au cœur des bâtiments hébergeant l’association Parkour, est plein de bouquins, de maquettes, de pièces de carton, d’essais de matières, de tuiles et de briques rouges. Au milieu, le collectif d’archi Zerm s’active de bon matin.

Lola Bazin, Romain Brière, Louis Delepaut, Théophile Flécheux, Simon Givelet et Etienne Lechevallier. Six jeunes architectes roubaisiens pour un collectif et une conviction commune, celle de pouvoir changer la façon d’utiliser les matériaux usagés, en pensant réutilisation plutôt que recyclage.

Aujourd’hui, les démolisseurs deviennent des déconstructeurs, poussés par la loi 2015 sur la transition écologique, nous explique Lola. Ainsi, sur les chantiers de démolition/déconstruction, le tri des matières est fait, mais dans un but de recyclage, avec une finalité industrielle de valorisation et non pour un réemploi simple des matières et composants. Chez Zerm, nous sommes persuadés que cette réutilisation est possible. Pour prouver cela, nous avons lancé un laboratoire test au cœur de l’Atelier Jouret, rue de l’Hospice. L’objectif était d’y mettre en place un premier magasin, de trouver ses forces et faiblesses. C’était un premier pas afin de se rendre compte des contraintes, des possibilités. Le modèle existe donc. A nous de le développer, avec des partenaires, des soutiens. »

Des envies et des idéaux

Se posant en militants de la cause « re-use » (prononcer « ri-iouze ») les six amis adaptent l’architecture, le bâtiment, les travaux publics et la construction immobilière à la réutilisation des matières. « Tel un achat dans une friperie pour des vêtements ou dans une ressourcerie pour l’équipement de la maison, nous sommes certains que la réutilisation des matériaux déconstruits est possible. Actuellement, le marché de la construction ne fonctionne qu’avec du neuf exclusivement », commente Lola.

Constamment en phase de tests

Zerm, ce n’est pas que la mise en place des réemplois de matériaux. On imagine vu d’ici la bulle créative créé par le groupe d’amis. On retrouve ainsi de petits projets d’archi, de recherches, d’installations. Zerm a été par exemple l’une des chevilles ouvrières du festival roubaisien Pile au rendez-vous, organisé en juillet 2018, pour lequel il a réalisé des installations diverses. Entre autres, une table de ping-pong en terrazzo, matériau composite à base de fragments de pierre et de marbre, compressés et polis.

Récemment étaient inaugurés à la Free’che de nouveaux modules pour l’association Parkour 59, conçus et réalisés par Zerm, en collaboration avec Saddo et La Condition Publique. Construits en blocs de béton cellulaire… Réemployés, évidemment.

« Shopper » en ligne des matériaux de seconde main

Forte de son étal créé à l’Atelier Jouret, l’équipe a ouvert sur son site internet un espace dédié, nommé Le Parpaing. Comme sur une boutique en ligne classique, le client peut ainsi choisir ses matériaux en seconde vie, ses éléments réutilisés qu’il utilisera dans sa construction. Bloc de béton cellulaire, porte coulissante, évier inox, plancher technique ou encore panneau d’aggloméré ou plaque de marbre vert… Dans une logique Zéro Déchet, chaque produit a déjà servi, mais se révèle tout à fait en forme pour une nouvelle vie, sans passer par la case recyclage.

L’objectif de l’association est maintenant de supprimer les freins du passage aux matériaux d’occasion, avec les politiques, les architectes, les décideurs, les clients. Un choix qui a son lot de questions, d’ordres juridiques, esthétiques, techniques. Un matériau réutilisé peut-il être assuré comme un matériau neuf ? Un client acceptera-t-il un matériau avec des variations de couleurs ? Le sujet est là.