Ismaël Jamaleddine, directeur de La Condition Publique Itinéraire d’un faiseur de lieux

Ismaël Jamaleddine, directeur de La Condition Publique Itinéraire d’un faiseur de lieux

Un parcours en mouvement, celui d’Ismaël Jamaleddine. Né en banlieue parisienne, il débute son chemin dans des squats. Il se développe ensuite au sein d’une compagnie vocale et instrumentale. Aujourd’hui, il trouve un nouveau souffle à La Condition Publique, un lieu hybride et sans frontières, situé au cœur du quartier du Pile à Roubaix. Depuis sa prise de fonction en septembre 2024, il impulse une dynamique renouvelée à ce lieu unique, porteur d’une vision ambitieuse et résolument ouverte.

« J’ai toujours été obsédé par les lieux. Les lieux vides, à réinvestir et à partager. » Dans sa voix, résonne une énergie et une soif de créer. C’est celle d’un homme qui n’a jamais cessé de croire en la puissance collective de l’action. Un faiseur, pas un rêveur.

Ismaël Jamaleddine a grandi « serré » dans des appartements ou des maisons étroites entre le Val d’Oise et les Hauts-de-Seine. Il développe un appétit féroce pour l’espace et une conscience militante très tôt ancrée. À l’université, il choisit le droit, presque par stratégie, tout en nourrissant sa passion pour la musique. Un équilibre subtil entre la tête et les mains, qu’il explore pleinement quand, avec des camarades, ils obtiennent un deal improbable : un propriétaire privé leur cède temporairement une usine vide. Ce sera trois ans de vie collective et de création brute, à fabriquer des chambres, un bar, une salle d’escalade, une salle de concert, un studio son… « On faisait tout nous-mêmes. On s’est rendu compte que tout était possible. »

Ce sens de l’organisation, du collectif, et cette capacité à fédérer le mènent quelques années plus tard à l’administration de l’orchestre La Tempête. Il y passera dix ans. « On est partis d’une petite association pour devenir une compagnie reconnue, qui tourne partout en Europe. » Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Parce qu’à côté des concerts et des dossiers de subventions, l’obsession des lieux vacants ne le quitte pas. Et un jour, une discussion autour d’un bâtiment oublié au cœur d’Argenteuil attire son oreille. Ancien musée de la ville, fermé depuis une décennie, le lieu devient le terrain d’une nouvelle aventure collective : le Musée Sauvage. Réunions ouvertes, intelligence collective, chantiers en auto-réhabilitation… En deux ans, le bâtiment reprend vie grâce à un collectif d’habitants, d’artistes et d’associations. « On a remis un lieu au service des gens, sans attendre des millions, juste en faisant. On a prouvé que c’était possible. »

Aujourd’hui, c’est à Roubaix, à La Condition Publique, qu’Ismaël pose ses valises et son énergie. « Je connaissais la CP depuis longtemps. C’est un lieu qui m’a toujours fasciné par son esprit pirate, utopiste, et sa place centrale dans les dynamiques locales. » À la tête de cet établissement public de coopération culturelle (EPIC), son objectif est clair : ouvrir grand les portes. « Beaucoup s’autocensurent. Ils voient un lieu culturel, ils pensent art contemporain, ils se disent que ce n’est pas pour eux. On veut casser cette image. » Avec la fabrique (le fablab, l’atelier menuiserie, les ateliers créatifs), il mise sur l’émancipation par le Faire. 

« Je veux qu’on soit un service public de la création. Que chacun comprenne que ce lieu, c’est aussi le sien. »

Ce parcours est aussi celui d’un trait d’union entre deux territoires : la banlieue parisienne et le Nord. « Argenteuil et Roubaix se ressemblent. Ce sont des villes populaires, riches en ressources humaines et artistiques. Mais à Roubaix, j’ai vraiment pris une claque culturelle. »

La Condition Publique
laconditionpublique.com
14 place du Général Faidherbe, 59100 Roubaix