DOSSIER Mode Un vestiaire, une maison, des ateliers, des entreprises, des boutiques de créateurs et des écoles… Roubaix a la fibre textile et vibre pour la mode. C’est dans ses gènes, son ADN. Une mode éthique, une mode responsable, durable… qui n’hésite pas à se remettre en question et à se réinventer. Imaginer à deux mains, dessiner le futur. De la créativité ok, mais en toute conscience ! Prothésiste, tout un art Quand un orthoprothésiste et une styliste de mode se rencontrent cela donne U-exist qui propose des prothèses fun et personnalisées qu’on est fier de montrer. © Sébastien Jarry Simon Colin, orthoprothésiste de formation a étudié à Bruxelles et a toujours été préoccupé par le côté froid de la prothèse, toujours de couleur chair, grise ou noire. « L’acceptation de la prothèse était rendue encore plus difficile par son aspect impersonnel. » Le jeune homme rédige son mémoire sur la customisation des prothèses et reçoit un accueil chaleureux du jury. U-exist est déjà en gestation. Sa rencontre avec Amandine Labbé styliste et professeur à Esmod fera le reste : elle apportera avec elle l’univers de la mode dans celui des prothèses. Personne n’y avait pensé et c’est une chouette idée : en 2014 ils fondent ensemble U-Exist : « Vous aussi, jouez de votre différence. » Le partage des rôles se fait naturellement : Simon prend en charge l’aspect technique et l’impression des motifs sur les matières, quand Amandine s’occupe de constituer une collection de motifs. Car c’est véritablement d’une collection dont on peut parler, comme dans la mode. Le catalogue présente 250 motifs différents © Sébastien Jarry © Sébastien Jarry Des collections capsules « Le catalogue présente 250 motifs différents, organisés par thématique, pour tous les âges, tous les styles, hommes, femmes et enfants », précise Cindy Habchi, chargée de communication de U-exist. Les motifs sont créés par Amandine ou par un réseau d’artistes avec des collections capsules comme dans la mode : Nikok et ses motifs robotiques, Laure Poitreau et ses motifs animaliers pastel ou encore Boniett et ses carpes sur fond fleuri. Il est possible aussi pour le patient de recourir au service U-adapt s’il a lui-même créé ou dessiné un motif qu’il souhaite voir reproduire sur sa prothèse. Ou encore, grâce à U-custom faire réaliser sur mesure un motif qui lui appartiendra à vie. Une dimension humaine primordiale L’entreprise fonctionne comme une start-up, « On n’est que 4 et on est forcément touche-à-tout » , ce qui convient parfaitement à Baptiste Jules, le commercial du quatuor. C’est lui qui se charge notamment d’agrandir le réseau des orthoprothésistes avec lesquels l’entreprise travaille, déjà au nombre de 50. « Chez U-Exist, ce n’est pas un travail de commercial comme les autres. Il y a forcément une dimension humaine primordiale et cela me plaît. Je vends quelque chose d’utile et je crois en ce que je vends. » U-exist habille des prothèses de patients dans toute la France et commence même à s’internationaliser : en Allemagne, en Belgique, en Italie, aux Pays-Bas ou encore en Australie ! La start-up peut aussi compter sur des ambassadeurs de choix comme Jean-Baptiste Alaize, plusieurs fois champion du monde en saut en longueur, dont la prothèse raconte l’histoire. Cindy Habchi se réjouit : « On a l’impression que la mode s’ouvre de plus en plus au monde du handicap, on a récemment réalisé un shooting photo très mode, très fun. » C’est certain, U-exist apporte tous les jours sa petite pierre à l’édifice pour que ce regard change. Et les patients sont ravis que la conversation s’engage désormais sur le motif original et non sur la prothèse elle-même. Pari gagné. u-exist.com Anti-Fashion en mode responsable De Marseille à Roubaix, Stéphanie Calvino n’a pas hésité : son Anti-Fashion Project s’impose désormais comme un trait d’union entre les deux villes, associant un grand nom de la mode comme La Redoute mais aussi la très renommée école de mode Esmod. Objectif : aider les jeunes des quartiers populaires à réinventer une mode plus durable. Le 3 septembre 2018, Arnice Troïka a vécu sa première rentrée à Esmod Roubaix. La jeune fille de 22 ans était plutôt intimidée d’assister à ses premiers cours au sein de la prestigieuse École supérieure des arts et techniques de la mode de Roubaix. « Moi qui n’étais plus scolarisée, je me retrouve dans une haute école de mode… C’est fabuleux, c’est incroyable, je n’arrive à réaliser ce que Anti-Fashion Project m’a apporté », résume-t-elle. Il faut dire qu’Arnice, originaire de Guyane, s’est battue pour en arriver là. Si cette première année de cursus lui a été offerte (ce qui représente quand même près de 10 000 euros), c’est parce qu’elle a décroché le Prix Esmod Roubaix en partenariat avec La Redoute. Le jury a salué unanimement « son implication et sa persévérance » et l’originalité de la tenue présentée. « J’ai concocté une tenue qui raconte un passé assez personnel », résume la jeune fille. Derrière sa voix frêle, on devine un parcours de vie compliqué. Elle a entièrement fabriqué un jogging-combi style guerrière un haut avec des manches extra larges et des épaulettes extravagantes, en utilisant du vinyle orné de fleurs au niveau des seins et pour le short, le tout complété par des jambières. Comme une protection mais aussi une renaissance. © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson © Jean-Christophe Husson Dénoncer les dérives de la 2e industrie la plus polluante du monde « J’avais d’abord voulu d’abord devenir esthéticienne mais je ne trouvais pas de stage. » C’est la mission locale de Roubaix qui lui a conseillé de s’adresser à Anti-Fashion Project. « J’ai alors rencontré beaucoup de personnes fabuleuses et extraordinaires », sourit la jeune fille. Comme Li Edelkoort, à l’origine du Manifeste Anti-Fashion : cette véritable pythie de la mode travaille beaucoup avec les végétaux pour dénoncer les dérives de la 2e industrie la plus polluante au monde. Ou encore Sylvette Boutin Lepers, responsable des…
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