Dans l’antre de Randohm

Dans l’antre de Randohm

Un après-midi d’avril, Alexandre Dewas, alias Randohm, nous ouvre les portes de son atelier roubaisien, L’Anémocore. Derrière une façade discrète, un autre monde nous attend : créatures aux yeux ronds, figures tatouées, totems de grès noir. L’artiste y évolue dans un lieu saturé d’images, d’objets et de sons. Il nous reçoit avec le sourire tranquille de ceux qui ont trouvé leur refuge.

Randohm, contraction du Om – mantra hindou qui signifie la vibration de l’univers – et du mot random, l’aléatoire. Un nom qui dit beaucoup de sa démarche : intuitive, effervescente, insaisissable. « Je ne pourrais pas faire des séries, confie-t-il. J’ai besoin de partir dans tous les sens. »

Son atelier, il le décrit comme une grotte. Un cocon hors du temps. « J’ai besoin d’avoir autour de moi des choses qui m’inspirent et qui m’apaisent aussi. Je suis boulimique d’images. J’ai toujours un ordinateur pas loin pour glaner des visuels. », nous raconte-t-il, son maté en main. Dans le fond, une nappe sonore constante : de l’électro ambiant, parfois plus nerveux. Le son, la matière, les gestes : tout s’accorde dans une transe douce et concentrée. Le papier de verre crisse sur les formes en train de sécher, tandis que l’odeur acide du vinaigre flotte dans l’air, préparant la barbotine qui viendra recoller la terre.

Ces objets qui l’entourent racontent quelque chose, à commencer par une sculpture de Simon Bose : « C’est cette pièce qui m’a donné envie de me lancer dans la céramique. » Randohm travaille le grès noir. « J’aime son aspect brut, son potentiel contrasté. Avec le noir, je sais quand la pièce est finie. C’est un remède à la page blanche. » Cette terre sombre, granuleuse, chamottée, il la sculpte à la plaque, au colombin et dans des moules. « Je cherche un rendu un peu artefact, comme si c’était une relique sortie d’un culte oublié. »

Influencé par le lowbrow, ce surréalisme pop, et l’art brut, Randohm revendique une pratique libre, affranchie des codes académiques. Il évoque les corps déformés de Stéphane Blanquet ou encore l’univers biomécanique de Hans Ruedi Giger. Masques, divinités imaginaires, silhouettes aux dents proéminentes et spirales gravées : les pièces de Randohm deviennent des idoles fictives, tatouées d’engobes blancs, animées par des esprits à la fois protecteurs et facétieux. « Je modèle comme les premiers hommes », explique-t-il. Un geste viscéral et spontané.

Ces derniers temps, ses formes sont devenues plus osseuses, plus mécaniques, traversées par des lignes évoquant le transhumanisme. L’artiste glisse peu à peu du culte ancestral à la spéculation sur l’avenir, nourri par sa fascination pour l’intelligence artificielle et les récits chamaniques. « Je n’ai jamais fait de trip chamanique, mais je suis fasciné par l’idée qu’il existe un monde invisible. C’est un matériau de création, comme la terre ».Aujourd’hui, Randohm partage son temps entre création, exposition et transmission. Il anime notamment des ateliers au musée La Piscine de Roubaix.

Randohm