{nikonografik}, ni vu ni connu

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Ça faisait longtemps qu’on avait repéré dans Roubaix ses masques aux signes géométriques ascendant Afrique collés à même la brique. Et ça nous avait tout de suite plu. Alors quand on a décidé de lui offrir la dernière de couverture de ce numéro d’Alternatif, on est allés à sa rencontre dans son atelier, à l’Alternateur. Vite fait, bien fait.

Il s’appelle Boulogne et est originaire de Cambrai. Il est aussi discret que ses œuvres sont remarquables. L’homme n’est pas à une contradiction près. Et alors ? Dans son atelier roubaisien, Nicolas Boulogne, alias {nikonographik}, ou encore {n}… est bien. Même si l’artiste, qui fut un temps installé à RémyCo, se verrait bien étaler les œuvres en cours sur les murs immenses d’un plateau d’usine. Histoire de vérifier, en vrai, en géant et confortablement, la cohérence de sa nouvelle série.

De l’ampleur ! Voilà ce vers quoi Nicolas tend. « Même si j’explore en ce moment plusieurs pistes, aujourd’hui j’ai envie que ça splashe, que ça coule, que ça dégouline ! » De ce point de vue, la der de couverture d’Alternatif est représentative de son travail actuel.

United Strates of Posca

Devant ses grands formats, les sous-titrages en VO fusent. « Je travaille les strates. J’aime l’idée de raconter une histoire par couches successives qui s’additionnent, se sédimentent, comme les cernes d’un arbre. » Côté couleurs, l’artiste adore utiliser le rose et « une palette qui en jette », adoucie parfois, pour un résultat plus subtil.

L’ancien élève du lycée Baggio, graphiste de profession, maîtrise les calques de Photoshop, jouant avec aisance sur les transparences et les opacités. « Ce travail composite est un fil rouge… une espèce de logique dans mon travail. » Le pro de l’art numérique, nourri à la peinture, (« Quand j’étais enfant, mon père peignait dans le salon. A table, j’avais un pinceau à la place de la fourchette ou du couteau. ») a ressenti l’urgence d‘un retour à la matière.

En 2020, il se lance un défi fou : un dessin par jour durant un an, soit 365 dessins. Sur des vieux plans A4 en calque, récupérés chez Matériaux Authentiques à Tourcoing, au Posca et en couleurs, des visages transparaissent, se suivent et dressent, jour après jour, le portrait d’une famille imaginaire insolite et sympathique. Au milieu de la série, des clins d’œil assumés et amusants, à Mister Voul, Frida Kahlo, Roy Lichtenstein, Yayoi Kusama, Picasso ou encore Dali. Une galerie de « freaks », chic et graphique. Le 25 décembre 2021, Nicolas poste sur son Instagram le dessin numéro 365. Challenge réussi !

Crédit photo : Sébastien Candelier

In love with {n}

En avril 2021, la rénovation de l’église Saint-Joseph, seul monument historique classé de Roubaix lui offre l’occasion de répondre à une commande exceptionnelle. Il réalise, avec la complicité d’amis artistes, une fresque de 50 mètres de long, juste en face de l’édifice niché au cœur de l’Alma. Un travail tout en motifs et en symboles, à la gloire des peintures qui ornent l’intérieur du bâtiment. Une première pour lui, qui aime aussi multiplier les collaborations, avec Resco, Mister Voul, Adré Uno, etc. « Je suis toujours curieux de faire avec les autres, heureux de sortir de ma zone de confort. » Dernière expérimentation, avec Adre, une fresque peinte au rouleau et à la perche sur un mur de l’ancien bowling de Roubaix.

Nicolas donne de plus en plus de place à la peinture, privilégiant l’artistique au graphisme. On retrouve ses œuvres collées à Roubaix, Bruxelles, Montpellier, Lille, Hardelot ou… Boulogne, et même Naples ! Régulièrement, il anime des ateliers dans des écoles, en France et en Belgique, notamment avec des autistes, dont il envierait presque le talent pur et spontané. Sans être brut, son travail à lui a quelque chose de tribal, inspiré des motifs de tissus ethniques africains. En noir et blanc, on pourrait penser à « des coloriages pour ceux qui ne peuvent pas s’en payer », comme l’a joliment dit un enfant. On imagine aussi quels beaux vitraux ils feraient.